
1. Calland N, Albecka A, Belouzard S, Wychowski C, Duverlie G, Descamps V, et al. (-)-Epigallocatechin-3-gallate is a new inhibitor of hepatitis C virus entry. Hepatology. 2012;55: 720–729. doi:10.1002/hep.24803
2. Calland N, Sahuc M-E, Belouzard S, Pène V, Bonnafous P, Mesalam AA, et al. Polyphenols Inhibit Hepatitis C Virus Entry by a New Mechanism of Action. J Virol. 2015;89: 10053–10063. doi:10.1128/JVI.01473-15
3. Sahuc M-E, Sahli R, Rivière C, Pène V, Lavie M, Vandeputte A, et al. Dehydrojuncusol, a Natural Phenanthrene Compound Extracted from Juncus maritimus, Is a New Inhibitor of Hepatitis C Virus RNA Replication. Journal of Virology. 2019;93: e02009-18. doi:10.1128/JVI.02009-18.
4. Meunier T, Desmarets L, Bordage S, Bamba M, Hervouet K, Rouillé Y, et al. A Photoactivable Natural Product with Broad Antiviral Activity against Enveloped Viruses, Including Highly Pathogenic Coronaviruses.
Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2022;66: e01581-21. doi:10.1128/AAC.01581-21
5. Al Ibrahim M, Akissi ZLE, Desmarets L, Lefèvre G, Samaillie J, Raczkiewicz I, et al. Discovery of Anti-Coronavirus Cinnamoyl Triterpenoids Isolated from Hippophae rhamnoides during a Screening of Halophytes from the North Sea and Channel Coasts in Northern France. Int J Mol Sci. 2023;24: 16617. doi:10.3390/ijms242316617
6. Raczkiewicz I, Rivière C, Bouquet P, Desmarets L, Tarricone A, Camuzet C, et al. Hyperforin, the major metabolite of St. John’s wort, exhibits pan-coronavirus antiviral activity. Front Microbiol. 2024;15: 1443183. doi:10.3389/fmicb.2024.1443183
Molécules naturelles et antiviraux
L'identification d'antiviraux ciblant différentes étapes du cycle viral peut servir de base à la découverte de nouvelles thérapies et peut permettre de mieux comprendre le cycle infectieux viral. Les plantes sont utilisées depuis des siècles en médecine traditionnelle pour soigner différents types de maladies, et les produits naturels d’origine végétale sont à l’origine de la découverte de nombreux médicaments. Même si ces composés ne sont pas toujours utilisés directement comme médicaments, ils restent souvent une source d'inspiration pour la chimie médicinale.
Nos précédents travaux sur la recherche d'antiviraux naturels contre le virus de l’hépatite C (VHC) nous ont servi de preuve de concept. En effet, plusieurs molécules de plantes ont été identifiées comme étant des antiviraux puissants contre le VHC, comme l’EGCG, la delphinidine et le dehydrojuncusol [1–3]. Ce dernier, isolé d'un extrait de jonc maritime (Juncus maritimus), a montré un mécanisme d'action similaire à ceux des antiviraux de la classe des anti-NS5A utilisés dans le traitement de l'hépatite C. Le dehydrojuncusol n'a pas été plus développée car les traitements contre l’hépatite C sur le marché étaient déjà extrêmement efficaces.
Nos projets se sont alors orientés sur les coronavirus humains à cause de leur risque élevé d'émergence, leur dangerosité et l'absence d'antiviraux efficaces. Notre objectif est d’identifier des antiviraux ayant une activité antivirale pan-coronavirus, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité d’inhiber plusieurs membres de la famille des coronavirus humains, afin de se préparer à une future émergence. Notre approche est une approche non ciblée, avec le criblage de composés naturels purs ou d’extraits de plantes, sans cible ni mécanisme d’action prédit. Les extraits actifs subissent un « fractionnement bioguidé » pour isoler le principe actif, technique qui consiste à séparer les molécules présentes dans l’extrait de plante en fonction de leurs caractéristiques physicochimiques. Plusieurs étapes sont nécessaires, et, à chaque étape, l’activité antivirale est déterminée, d’où le terme de « bioguidé ». Ce travail est accompli en étroite collaboration avec les chercheurs du Laboratoire de Pharmacognosie de l’Unité de recherche BioEcoAgro 1158 (dirigé par Sevser Sahpaz), Céline Rivière, Simon Bordage, et Vincent Roumy. Pour chaque nouvel antiviral identifié, si les techniques le permettent, le mécanisme d’action est déterminé. En criblant de nombreux composés naturels, nous espérons identifier un antiviral efficace ayant un mécanisme d’action original permettant de proposer de nouveaux traitements contre les coronavirus dans l’avenir (Figure ci-dessous).
Une sélection de résultats récents est présentée ci-dessous à des fins d’illustration
Un criblage d’extraits de plantes de Côte d'Ivoire a permis d’identifier un extrait de plante suivi d’un fractionnement bio-guidé (collaboration Université Nangui Abrogoua, Abidjan et BioEcoAgro, Lille), a permis d’identifier un inhibiteur des coronavirus à très haute capacité antivirale [4]. Ce composé, le phéophorbide a (Pba), est un produit de dégradation de la chlorophylle et un photosensibilisateur. L'activité antivirale du Pba est dépendante de l'activation lumineuse et la molécule induit une rigidification de l'enveloppe virale observée par cryo-microscopie électronique (en collaboration CBMN UMR 5248, Bordeaux). Le Pba est un nouvel antiviral naturel contre le SARS-CoV-2 avec une activité virucide activable par la lumière et qui présente un potentiel pour la désinfection des surfaces contaminées par le SARS-CoV-2 ou d’autres coronavirus.
Toujours en collaboration avec le laboratoire BioEcoAgro, l’équipe s’est également intéressée aux plantes du littoral de la Région Hauts-de-France poussant dans des sols salins. Ces espèces végétales dîtes halophytes synthétisent des molécules leur permettant de résister à ce milieu particulier. Vingt-cinq extraits de plantes halophytes du littoral des Hauts-de-France ont été testés contre le coronavirus HCoV-229E [5]. L’extrait d’argousier (Hippophae rhamnoides, Figure ci-dessous) s’est révélé être le meilleur candidat. Après fractionnement bioguidé, des composés actifs ont été isolés, parmi lesquels les acides cinnamoyl oléanoliques semblent les plus prometteurs. En effet, ils inhibent l’infection in vitro à la fois du SARS-CoV-2 et du HCoV-229E. Ces travaux sont très préliminaires et de nombreuses expériences restent à réaliser notamment pour comprendre le mécanisme d’action de ces antiviraux.
L'équipe s'intéresse non seulement aux des extraits de plantes mais également aux composés naturels purs. Un criblage antiviral de plusieurs dizaines de composés naturels végétaux purs a révélé que l'hyperforine, le principe actif majoritaire de l'extrait de millepertuis (Hypericum perforatum), avait une activité antivirale contre le HCoV-229E (6). De plus, il a été démontré que l’hyperforine possède une activité antivirale pan-coronavirus, à la fois contre les coronavirus humains hautement virulents et les coronavirus humains bénins. Les résultats ont également montré que l’hyperforine était active à l’étape de réplication virale et dans des cellules épithéliales primaires des voies respiratoires humaines. À la lumière des données existantes sur la biodisponibilité et la sécurité des composés du millepertuis, ces résultats ouvrent une voie prometteuse pour le traitement des infections virales à coronavirus dans le cadre d'une stratégie de préparation à une pandémie. L’étude du mécanisme d'action de l'hyperforine est en cours.